La saga suisse des LECOULTRE et LE COULTRE

Que de LECOULTRE!

Pour avoir une idée de la "renommée" des différents patronymes liés à LECOUTRE, considérons les résultats d'une recherche avec Google effectuée le 8 février 2018 à 10 heures. On notera qu'il existe une forte variabilité du nombre de résultats trouvés d'un jour à l'autre, mais les ordres de grandeur restent les mêmes. A chaque demande Google trouve "environ xxx résultats" Les guillemets obligent en principe Google à respecter la demande et à ne pas l'élargir à des formes proches.
"LECOUTRE" 218 000 "LE COUTRE" 80 500
"LECOULTRE" 11 200 000 "LE COULTRE" 1 600 000
"LECOUSTRE" 56 800 "LE COUSTRE" 3 410
"DECOSTER" 1 800 000 "DE COSTER" 913 000 DEKOSTER" 117 000 "DE COSTER" 932 000
Ces résultats sont relatifs à tous les pays, ce qui peut notamment expliquer le nombre important de DECOSTER et ses variantes en raison de leur implantation notamment en Belgique et aux Pays-Bas. Ils ne sont pas non plus limités aux noms propres. On peut par exemple trouver des résultats "Le coutre" qui renvoient à un objet. Ce qui peut paraître surprenant, compte tendu de ce qui précède, est l'écrasante majorité des résultats pour LECOULTRE.

En fait au moment où j'ai effectué cette recherche les trente premiers résultats étaient relatifs à JAEGER-LECOULTRE et la recherche "JAEGER-LECOULTRE" donnait à elle seule 1 950 000 résultats.

Du petit atelier d'horlogerie LECOULTRE à JAEGER-LECOULTRE

Pour introduire son site Internet la manufacture d'horlogerie JAEGER-LECOULTRE indique:

"Découvrez les montres de luxe Jaeger-LeCoultre et plongez au cœur de l'horlogerie suisse".

Voici quelques unes des grandes dates de son histoire:

1833 Fondation par Antoine LECOULTRE (1803-1881) d'un petit atelier d'horlogerie au village Le Sentier qui est de nos jours la localité principale de la commune suisse du Chenit.
1866 Fondation par Antoine LECOULTRE et son fils Elie (1842-1917) de la manufacture LeCoultre & Cie.
1903 Commencement de l'histoire JAEGER-LECOULTRE. Edmond JAEGER, horloger parisien. cherche à développer les mouvements extra-plats qu'il a inventés. Dans cet objectif Jacques-David LECOULTRE, petit-fils d'Antoine, crée des montres de poche extra-plates et LeCoultre & Cie produit en 1907 la montre la plus fine au monde.
1907 Début de la collaboration officielle avec JAEGER. Tous les mouvements JAEGER sont exclusivement réservés au bijoutier parisien CARTIER pour une période de 15 ans et leur fabrication est confiée à LECOULTRE & Cie.
1937 La marque devient officiellement JAEGER-LECOULTRE.
1985 Disparition de l'appellation LECOULTRE sous laquelle étaient encore vendus les modèles de la marque JAEGER-LECOULTRE en Amérique du Nord.

Et voici un exemple de sa production actuelle

Montre Master Ultra Thin Tourbillon - 71 500 euros février 2018

Les rasoirs LECOULTRE

A côté des horlogers, il y avait également au village Le Sentier une fabrique de rasoirs LECOULTRE antérieure à l'horlogerie qui eut une certaine renommée:

"On y trouve la fabrique de rasoirs de M. J. Lecoultre, rasoirs qui ne cèdent en rien, pour la qualité, à ce qui se fait de mieux et France et en Angleterre" (Dictionnaire géographique-statistique de la Suisse, 1836, tome II, page 409).

Piguet (1895) nous explique que l'activité de la frabrique était étroitement liée à l'horlogerie:

"Il [Jacques Lecoultre] fit ses premiers rasoirs en 1823, avec l'aide de son fils aîné, A. Lecoultre, que nous retrouverons plus tard chef de la grande fabrication mécanique d'horlogerie en blanc du Sentier, il en perfectionna la trempe d'une façon si heureuse et si décisive que ses taillants conquirent rapidement la première place parmi tous les produits similaires. Sa fabrication parallèle des burins pour horlogers bénéficia également de cette invention et ce petit instrument indispensable a conquis la faveur des horlogers de tous pays. Par ce perfectionnement, Jaques Lecoultre a placé sur des bases solides cette fabrication qui est continuée avec succès dans ces deux branches spéciales par ses descendants. La supériorité de leurs produits s'est maintenue et semble acquise pour longtemps. L'Amérique du Nord est le principal débouché du rasoir Lecoultre, il y est tenu en grande estime" (cité dans Archives culturelles de la vallée de Joux - Les rasoirs du sentier, page 2).

Sur une enseigne conservée au Musée historique de Lausanne, dont la date de fabrication est indiquée 1922-1948, on trouve la devise:

"On se rase bien avec les rasoirs et lames Jacques LECOULTRE & CIE S.A. LE SENTIER"

Les transports NATURAL LE COULTRE

NATURAL LE COULTRE & Cie était vers 1910 la plus importante société de transport de Suisse avec un millier d'employés. Elle avait plusieurs succursales en Suisse et en France. C'est en 1901 qu'Emile-Etienne LE COULTRE s'associe à Albert-Maurice NATURAL qui dirigeait l'entreprise fondée par Etienne NATURAL en 1859. L'entreprise prend le nom de A. NATURAL, LE COULTRE & Cie. En 1904 elle devient une société anonyme NATURAL, LE COULTRE & Cie.

L'histoire de la famille LE COULTRE


La famille Le Coultre

Comme pour toute famille qui se considère comme "une grande famille" voire une "famille illustre", il fallait à ces LECOULTRE se trouver, sinon de nobles origines, du moins une histoire et une généalogie. Rien de nouveau en ce monde. Ce fut Charles Roch, sous-archiviste de l'état de Genève, qui s'en chargea — ou qui en fut vraisemblablement chargé par la famille, une pratique courante — et publia en 1919 un livre intitulé

La Famille Le Coultre Originaire de Lizy-sur-Ourcq DU XVIe AU XXe SIÈCLE
ÉTUDE — NOTES — DOCUMENTS
Avec portraits et illustrations hors-texte

La couverture du livre donne le ton. La préface en est rédigée par Emile-Etienne, qui signe comme "administrateur de la S.A. Natural, Le Coultre & Cie". Nous voyons dès le début que nous avons affaire à une grande famille:

"En juin 1912, à l'occasion de l'entrée de la famille Le Coultre dans le quatrième siècle de son indigénat helvétique, Messieurs Charles Le Coultre, ancien principal du Collège de Genève; Louis Le Coultre, de la fabrique de rasoirs Jacques Le Coultre & Cie; Elie Le Coultre, ancien directeur de la fabrique d'horlogerie Le Coultre & Cie au Sentier; et Jules Le Coultre, professeur à l'Université de Neuchâtel, ont offert, à tous ceux qui portent ce nom, la reproduction de l'acte de bourgeoisie qui a été octroyé par la commune du Lieu aux quatre fils de Pierre Le Coultre, le vénérable ancêtre de tous [italiques ajoutées]."

On peut être surpris de constater que le patronyme de la famille est écrit indifféremment Le Coultre pour chacun des membres, quelle que soit la manière dont celui-ci écrit lui-même son nom. Mais la diversité des écritures apparaît publiquement:


Rasoir Lecoultre, remorque Le Coultre, montre LeCoultre


De même, dans l'extrait de texte suivant, on voit que l'auteur du dessin origonal reproduit sur la couverture, "commissaire d'extentes, châtelain de Lavigny" écrit de sa propre main LeCoultre.


Ecriture du commissaire Abraham LeCoultre

Origines

Roch fait remonter l'histoire suisse de la famille à Pierre, Jeanne, Perrine et Catherine Le Coultre habitant à Genève, vers 1558. Le premier acte officiel connu fait mention d'un Pierre Le Coutre. Celui-ci aurait vécu entre environ 1532 et 1602.

Parmi les premiers protestants français que les circonstances nouvelles, suites de la Réforme, éloignèrent de leur patrie, se trouvèrent quelques membres de la famille Le Coultre, originaire de Lizy-sur-Ourcq, diocèse de Meaux. La première mention qu'on en trouve, a Genève, est inscrite dans le premier volume des registres d'Habitants: 'Pierre Le Coutre, natif de Lisi sur Ourg, diocèse de Meaulx en Brye [4 avril 1558]'" [gras ajoutés] (page  105).

Ce Pierre, ayant fui Lizy-sur-Ourcq (nom actuel de ce village situé en Seine-et-Marne, près de Meaux) et habitant Genève en 1558 se serait installé dès 1559 dans la Vallée de Joux (Jura suisse). Il apparaît à l'origine de la communauté qui s'y forme, autour de ses quatre fils installés avec lui. C'est l'un d'eux, également prénommé Pierre et vraisembablement l'aîné, qui paraît être le principal artisan de la création de la paroisse du Chenit. Cet événement marque la fondation du village baptisé Le Sentier, qui abrite encore aujourd'hui la manufacture de l'entreprise JAEGER-LECOULTRE. Roch ne manque pas de faire l'éloge de Pierre, comme s'il l'avait connu:

Il ne faut pas un grand effort d'imagination pour se représenter ce que fut l'activité de Pierre I Le Coultre, au Chenit. La maison construite, il dut s'occuper d'agriculture en pionnier, défricher, conquérir le sol arable, faire de l'élevage de bétail, abattre et transporter les bois par terre ou par eau, en hiver, chasser, faire des battues au loup et à l'ours, s'exercer aux armes a cause des descentes de Bourguignons. D'autre part, comme lettré. il éleva ses enfants, instruisit ceux de la commune (l'acte de bourgeoisie porte qu'il s'occupa de la jeunesse, pendant dix ans). Fervent protestant, il fit, dix années durant, les prières publiques. On sent en lui un homme de forte volonté, déterminé à tout entreprendre pour assurer aux siens et à la future communauté du Chenit l'activité la plus On sent en lui un homme de forte volonté, déterminé à tout entreprendre pour assurer aux siens et à la future communauté du Chenit l'activité la plus complète si dures que soient les contingences.

La dureté des contingences fut sans doute adoucie par une certaine fortune emportée de France:

"Il ne semble pas avoir été assisté par la Bourse française. Il est probable, au contraire, qu'il n'avait pas quitté la France sans emporter quelque bonne somme" (page 20)

On ne doute plus que la suite de l'histoire de la famille Le Coultre puisse être des plus respectable:

"les personnalités intéressantes ne manquent pas dans la famille Le Coultre: Pierre II, principal artisan de la création de la paroisse du Chenit, auteur d'un journal qui sera publié intégralement ici; Abraham Le Coultre, commissaire d'extentes, châtelain de Lavigny, auteur du dessin original reproduit sur la couverture de ce livre, auteur aussi des notes dont nous avons déjà parlé sur sa famille, et nombre de pasteurs, professeurs, officiers supérieurs, industriels, etc" (pages 11-12).


Je ne n'en dirai pas plus ici sur l'histoire de cette famille. J'aurai seulement une pensée pour les membres de cette famille qui n'ont pas atteint la notoriété mais ont néanmoins su rester simples.

Orthographe du nom

Nous avons déjà vu que le premier acte officiel fait mention de Pierre Le Coutre. La même ortographe est utilisée dans cet autre acte de Jean Ragueau, notaire, relatif à un contrat de mariage daté de 1558:

"…hon. Jehanne Le Coutre, fille de défunct Anthoine Le Coutre et Geneviesve Guilebert, natifve de Lizy sur Or, diocèse de Meaulx, d'autre part... la dite Jehanne, par l'advis de Pierre Le Coutre, son frère…" [gras ajoutés] (page 14).

Pour justifier l'orthographe Le Coultre Roch s'appuie sur la signature de Pierre II, vraisemblablement l'aîné des quatre fils du précédent Pierre:

"le seul membre de sa famille, parmi les représentants des trois premières générations connues, dont nous possédions une signature. Son journal est signé (5 octobre 1628) comme nous avons toujours orthographié son nom: Le  Coultre" (page 105).



Signature de Pierre Le Coultre (1628)

Obligé de reconnaître que les actes officiels font mention du nom Le Coutre Roch l'explique par le fait que cette l* présente dans la signature invoquée n'était pas prononcée:

"Dans la prononciation, on ne devait pas tenir compte, autrefois, de l'l** de Coultre (ce qui est normal), car les actes les plus anciens portent généralement écrit Le Coutre. Comme transformation et simplification naturelle du nom, cet l eût pu tomber: l'l conservé donne au nom une allure étymologique un peu plus savante" [italiques ajoutées] [page 105].

* Je continue à dire une l comme je l'ai appris et comme le justifie par exemple la huitième édition du Dictionnaire de l'académie Française: "L. n. f. La douzième lettre de l'alphabet. Elle représente une des consonnes. On la prononce elle. Une L majuscule." Je ne comprends pas l'intérêt d'avoir masculinisé toutes les consonnes dans la neuvième édition de ce dictionnaire. Cela me permet au moins de m'amuser en pensant qu'ajouter une l à mon nom me permettrait de me croire sorti de la cuisse de Jupiter.

** En 1909, où fut écrit ce texte, on disait cette l en français, mais l'auteur écrit en suisse, ce qui laisse un doute.


Ces Le Coultre ne vont pas jusqu'à prétendre être des savants, mais revendiquent au moins une étymologie un peu plus savante. Roch n'hésite pas à dénoncer une véritable conspiration ourdie par des gens parmi les plus distingués (des ministres…) qui se sont ligués contre cette orthographe:

"II va sans dire que ministres, fossoyeurs, notaires, scribes ne se sont pas fait faute de tourmenter cette orthographe avant l'établissement de l'état-civil laïque et la mise en vigueur d'une législation en matière de noms de famille. On n'y regardait pas de si près, sous l'ancien régime et, suivant la façon de prononcer le nom et la façon de l'entendre et de le transcrire, on notait Le Coutre, De Coutre ou Coutre tout court. Formé d'un article et d'un nom commun, l'orthographe Le Coultre, celle de la signature de Pierre II, n'aurait jamais dû être changée. Or, il existe maintenant deux orthographes officielles de ce nom: Le Coultre et Lecoultre et cette dernière graphie est celle des Le Coultre n'ayant pas quitté la Vallée ou ne l'ayant quittée qu'après 1825 environ." (page 105).

Effectivement, cela va sans dire, même si c'est mieux en le disant! Heureusement la législation a remis à leur place ces ennemis de la famille.

Que de contradictions

Cela fait beaucoup d'énergie dépensée pour défendre cette orthographe avec un espace et une l qui ne se prononçait pas. Mais on ne peut pas rejeter aussi catégoriquement la "faute" de la suppression de l'espace entre l'article et le nom à d'autres. S'il en est encore besoin, donnons deux autres exemples de la mauvaise foi de Roch.

La deuxième page de l'ouvrage présente une peinture à l'huile que Roch attribue dans la légende à "François Le Coultre (1801-1871), alors que la signature sous la peinture est Lecoultre François.


Signature de Pierre Le Coultre (1628)

Roch rapporte l'inscription gravée sur une pierre gravée située sur la façade d'une maison de belle allure au lieu dit la Fontaine du Plannoz ou en Plannoz. Cette inscription commence par:

Fontaine du Planoz
abergée en 1568
Par la Commune du Lieu
A M. Courcul et P. Lecoultre

Allant jusqu'au bout de sa mauvaise foi, il ne manque pas de fustiger cette écriture:

"… en inscrivant à la troisième ligne P. Lecoultre, l'auteur de l'inscription n'a pas tenu compte de la signature de Pierre II Le Coultre ni, en général, de la manière d'orthographier ce nom aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle" (page 118).

Roch ne se prive pas non plus de dénoncer "l'idée de démocratiser les noms" dont il suppose qu'elle a conduit au début du 19ème siècle, à décréter officiellement la soudure de l'article au nom, ce qu'il qualifie d'"enfantillage." Si cela n'a pas conduit les Le Coultre à s'exiler certains d'entre eux ont été contraints à "d'ennuyeuses démarches" auprès de l'autorité judicaire compétente. Une véritable persécution!

Des armoiries

Roch se devait de trouver des armoiries à la famille Le Coultre.

"Dans: Les familles de la Vallée de Joux, leur origine et leurs armoiries par Hector Golay, on trouve, dessinés, deux blasons de la famille Le Coultre, tous deux portant des armes parlantes, tous deux provenant de l'office Bonacina à Milan. Mais des armoiries plus anciennes ont été trouvées en Hollande, à Bodegraven chez le bourguemestre Le Coultre. Elles portent: un coupé, au 1er d'argent, à l'arbre arraché de sinople, accosté de deux tours crénelées de sable, au 2d, fascé de gueules et d'azur de quatre pièces" (page 133).


Armoiries trouvées en Hollande à Bodegraven chez le bourguemestre Le Coultre


Généalogie

A partir de 1962, Pierre CASALONGA s'est attaché à établir la généalogie de la famille LECOULTRE (sa branche maternelle), avec l'ambition

"d'accueillir les filiations et le parcours individuel de toutes les Personnes dont le patronyme est LE COULTRE (variantes orthographiques: LECOULTRE, COULTRE, LE COUTRE, LECOUTRE, COUTRE,…) et celles de nos Parents et Alliés, dans le monde entier".

La base de données qu'il a recueilli est présentée sous le titre "Domaine LE COULTRE et Familles alliées" à l'adresse http://www.le-coultre.org/. Au 15 février 2018, cette base de données contenait

       2 COULTRE
       1 LECOUSTRE (de Mouscron, Belgique)
       40 LECOUTRE
       1 098 LECOULTRE
       1 LECOUTTRE
       2 023 LE COULTRE
       4 LE COUTRE


Le Coultre ou LeCoultre ou…?

Sur les 3 169 patronymes apparentés 98,5% sont des LE COULTRE ou des LECOULTRE, les premiers étant près de deux fois plus nombreux que les seconds. S'il en était besoin, cela confirme l'hypothèse que cette famille n'a rien à voir avec les LECOUSTRE originaires du Pas-de-Calais. Je les laisserai donc avec leur l, sur laquelle je reviendrai pour l'étymologie, et avec leurs divisions quand à la présence d'un espace et l'écriture du c en majuscule ou minuscule.

Sans pouvoir en donner de preuves, Casalonga suppose que

"Avant l'étape précédente à Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne), sans doute l'espace d'une génération, les origines antérieures se situent vraisemblablement en Seine-Maritime."

Le patronyme de la mère de Pierre LECOULTRE est écrit Guilebert dans le contrat de mariage de 1558 dont il a été fait mention précédemment. GUILBERT est effectivement un nom relativement courant en Seine-Maritime*. La forme GUILLEBERT est beaucoup plus rare, mais se trouve principalement dans ce département. Au temps plus anciens Casalonga mentionne au XVème siècle un Lecoultre à Chantilly (Oise) et XIVème siècle un Le Coultre à Douai (Nord).

* Il est cependant encore plus courant dans le Pas-de-Calaise, voire dans la Somme.


La fin d'une époque

Les montres JAEGER-LECOULTRE n'ont survécu qu'en se spécialisant de plus en plus dans les montres de luxe qui ont toujours du succès. Comme disait en 2009 un publiciste qui savait faire sa publicité et dont tout le monde a oublié le nom:

"Si à cinquante ans on affiche une montre de luxe, on n'a pas pleinement réussi sa vie!"*.

* Je ne me souviens pas avoir dit ça, l'auteur se trompe ou déforme mes propos (Jacques Ségala)

Je ne m'aventurerai pas plus loin dans ce monde extravagant du luxe, rien n'étant vraiment nouveau en ce monde. Pour ma part je ne porte plus de montre depuis environ 45 ans. En 2018 JAEGER-LECOULTRE appartient à La Compagnie financière RICHEMONT. Celle-ci, fondée en 1988 par le milliardaire sud-africain Johann RUPERT qui est en est l'actionnaire majoritaire. Le fleuron de Richemont est le français CARTIER.

Les transports NATURAL LE COULTRE sont devenus "un spécialiste de l'entreposage, de l'emballage et du transport d'œuvres d'art et de valeur." La famille BOUVIER a fait l'acquisition de la société en 1983 et l'a cédée au groupe André Chenue SA en 2017.

"La famille Bouvier a vendu son entreprise plus que centenaire Natural Le  Coultre (NLC) au transporteur français André Chenue SA. Cette transaction, dont le montant n'a pas été divulgué, ne se solde pas par des suppressions d'emplois. 'Nous avons besoin de tout le monde. Les 43 employés du groupe Natural Le Coultre à Genève sont repris', résume Franco Momente, directeur de NLC (La Tribune de Genève 25 octobre 2017, 25 octobre 2017)".


Sans surprise la fabrique de rasoirs Jacques LECOULTRE & CIE a disparu, vraisemblablement peu après la seconde guerre mondiale.

Epilogue

Il faut savoir l'apprécier à sa juste valeur, mais avec un peu de recul le livre de Roch ne manque pas d'humour. Par contre, on cherche en vain une histoire un peu étonnante, voire une anecdote. Je vais essayer de combler ce manque. C'est Reymond qui m'en donne l'occasion:

"Le 17 novembre 1611, la commune de Bursins vendit une seconde parcelle de sa montagne à Pierre et à Jacques fils de Pierre Lecoultre. Ils y bâtirent deux maisons qui existent encore aujourd'hui et qui furent les premières de cette partie de la vallée qui prit le nom de Bas-du-Chenit; nom admis aujourd'hui, mais qui est impropre puisque cette localité occupe la partie supérieure du Chenit et non l'inférieure. On disait dans l'origine le cul ou le fond du Chenit (Reymond, 1887, page 96)".

Pierre et à Jacques sont les deux fils du premier Pierre Lecoultre (on notera la manière dont Reymond écrit ce nom). On peut se risquer à imaginer que ce sont eux qui, mécontents d'habiter dans le cul, en changèrent le nom en le bas.
En allant un peu plus loin, on peut imaginer ce qui aurait pu se passer: en s'installant dans ce cul, ils auraient très bien pu hériter de ce nom comme patronyme et se seraient alors appelés Pierre et Jacques Lecul* Aurait-on écrit l'histoire de Pierre et Jacques et de leurs descendants en revendiquant l'écriture à l'allure étymologique un peu plus savante Le Cul? (bien entendu des patronymes tels que Labitte, Lacuisse, Lafesse, Lecul, etc., que l'on rencontre encore de nos jours, n'ont rien à voir avec des parties du corps humain).

* Notons que comparé aux 744 naissances de Lecoutre et apparentés en France dont j'ai fait état pour les années 1891 à 1915, il y eut pour ces mêmes années 124 naissances de Lecul (y compris 2 Le cul), dont près de la moitié (63) dans la Somme et 19 dans le Pas-de-Calais.



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